Militarisation de l’axe : l’argument de la force

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«  Le guinéen ne ment pas, il parle vite », a-t-on coutume d’entendre en faisant allusion au fait que la plupart des rumeurs finissent par devenir réalités dans notre pays. Ainsi, l’actualité (brûlante) a finalement donné raison aux rumeurs distillées ça et là relatives à l’implication de l’armée dans le processus de maintien d’ordres sur l’autoroute Le Prince.

Une fois n’est pas coutume, les autorités civilo-militaires ont, dans un communiqué digne d’une association des parents d’élèves, voulu rendre les choses compliquées. Elles parlent de «sécurisation des personnes et de  leurs biens » par la mise en place d’unités mixtes composées de policiers, de gendarmes et de militaires.

Mettant toujours et intentionnellement la charrue avant les bœufs, les autorités enfoncent le couteau dans la plaie des Guinéens en général et des habitants de l’Axe en particulier.

Malgré les avertissements de nombreux observateurs sur l’inopportunité des mesures prises par l’Etat quant à sa réponse aux ébullitions sur cet axe,  le pouvoir s’en tête à aller contre tous ces avis, contre la paix et contre l’unité nationale. Comme si c’est dans ce chaos et ce stress ambiant qu’il tire lui son épingle du jeu. D’ailleurs c’est le cas. Le Guinéen lambda se demande quand est-ce qu’il aura une minute de répit avec ce  gouvernement incompétent.

En effet, en agissant de la sorte, le pouvoir guinéen envoie plusieurs signaux à l’opinion publique nationale.

En premier lieu, il montre sa farouche détermination à aller au bout de tout ce qu’il entreprend dans la répression et la restriction des libertés fondamentales, quitte à tuer, à faire tuer d’innocentes personnes. Le message est d’abord pour les opposants et l’ensemble des Guinéens ensuite.

Depuis juillet 2018, l’exécutif s’est montré intransigeant sur des dossiers chauds, tels que l’augmentation du prix du carburant et le bras de fer engagé depuis avec les Forces Sociales, qui ont ébranlé le pays. Le  fait d’avoir eu raison sur les mouvements sociaux sur le carburant a renforcé le gouvernement à être d’avantage inflexible sur d’autres dossiers comme la grève des enseignants qui traine depuis un trimestre où l’impasse politique avec l’installation des élus communaux.  Ils croient dur que cette fermeté leur permettra de casser tous les désaccords qu’ils auront à l’avenir avec le peuple.

Apres avoir abâtardis et inféoder toutes les institutions républicaines,  ils se préparent à placer les populations dans un musèlement sadique afin d’avaliser dans une allure martiale le désaccord ultime : le tripatouillage de la  constitution.

Au second plan, le gouvernement nargue les Guinéens en ne parlant de « sécurisation » qu’après la mort d’un policier et le lynchage d’un militaire béret rouge. Certes, ces actes sont graves et hautement condamnables.  Mais comparés  aux meurtres de 103 personnes, ils ne font pas le poids. A l’échelle de Conakry, seul l’Axe est militarisée. Il est vrai que c’est le point chaud de la ville, mais pas le plus exposé à l’insécurité comme le prétend si bien le communiqué laconique.

Par ailleurs, nombreux sont les citoyens qui ont été brutalisés et dépouillés de tous leurs biens par des policiers et gendarmes alors qu’ils rentraient tranquillement chez eux. C’est à se demander si ce n’est pas les populations qu’il faille sécuriser contre les forces ‘’d’insécurité et de désordre’’.

Des bandits de grands chemins font la loi sur les routes nationales et dévalisent des véhicules et leurs passagers. La gendarmerie mobile envoyée à cet effet, passe tout son temps à arnaquer les voyageurs qu’à patrouiller et surveiller ces axes routiers. L’Etat ne fait rien. Des bandits à col blanc détournent des deniers publics et mènent un train de vie insolent à la barbe de la population. Les vrais assassins de dame Boiro et de toutes les autres victimes, courent toujours. La justice ne fait rien.

En concentrant ses efforts sur l’Axe, le président renforce l’image qu’il s’est toujours efforcée à maintenir dans l’inconscient collectif de nombreux compatriotes : c’est seulement une partie infime de la Guinée qui désapprouve ses actions.

Il revient  à l’opposition de changer de stratégie et d’user d’autres moyens de conquête plus stratégique pour ne pas tomber dans le piège du pouvoir qui est de museler le pays au fur et à mesure en se basant sur les revendications de l’opposition. Le chaos favorise une seule chose : le glissement du calendrier électoral.

Alpha Oumar DIALLO

 

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