La vérité sur le barrage de fomi, par mme.marie madelaine dioubaté. petit retour en arrière

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La coopération entamée depuis 1972 entre le Mali, Le Sénégal et la Mauritanie via l’OMVS (Organisation de la Mise en Valeur du fleuve Sénégal) avait pour but la maîtrise rationnelle des ressources en eau du fleuve Sénégal qui prend sa source en Guinée à 750 mètres d’altitude dans le massif du Fouta Djallon.

La Guinée dont la préoccupation majeure est la fourniture d’électricité,  a rejoint l’OMVS en 2006.

Contexte et justification du barrage de Fomi

Dans les prévisions, il s’agit d’un barrage hydroélectrique d’une capacité de 90 MW qui devrait alimenter en électricité une partie de la Guinée et du Mali ainsi que les réseaux d’interconnexion ouest africain (Mali, Guinée, Liberia , Sierra Léone, Côte d’Ivoire).

Les enjeux principaux du barrage de Fomi

Il est attendu que le barrage de Fomi permette :

– le développement agricole fondé sur l’irrigation, en Guinée avec un potentiel estimé de 10 000 ha.

– Au Mali, Fomi devrait permettre à l’office du Niger, la mise en valeur de presque 250 000 ha supplémentaires de riz,de maraîchage et de canne à sucre dont une partie en saison sèche environ 100 000 ha.

Pour mémoire et selon Wikipédia L’Office du Niger est un périmètre de culture irriguée aménagé sur le delta intérieur du Niger au Mali, à environ 250 km en aval de la capitale Bamako.

Initié par les autorités françaises dans les années 1920, le projet destiné à l’origine à satisfaire les besoins d’approvisionnement en coton des industries textiles françaises a connu de nombreux revers. Repris en main par les autorités maliennes à l’indépendance du pays en 1960, l’Office du Niger est réformé et la culture du coton y est abandonnée au profit du riz.

Avec ses 100 000 ha de terres irrigués, l’Office du Niger compte aujourd’hui parmi les plus grands aménagements hydro-agricoles du continent africain et contribue fortement à la sécurité alimentaire du Mali avec une production annuelle d’environ 500 000 tonnes de riz.

Analyse de l’impact du barrage hydroélectrique de Fomi sur l’environnement, la population et la santé des populations

En Guinée, selon l’EIES, l’impact principal de l’inondation de terres cultivables hautement fertiles, et le déplacement de 48 000 personnes.

La communauté rurale de Kiniero dans la Préfecture de Kouroussa est celle qui sera la plus affectée avec un total de 21 640 personnes.

Les deux autres communautés rurales les plus affectées sont Koumban

8 607 personnes, et Gbérédou Baranama 6 719 personnes dans la préfecture de Kankan. Ce déplacement involontaire entraînera pour les personnes :

-la perte d’habitats permanents et saisonniers ;  la perte d’infrastructures collectives ;

-la perte de biens ou de valeurs culturels ;

– la perte de ressources forestières et minérales (Or alluvial, sable) ;

– la perte de 50 000 ha de terres agricoles (cultivées et/ou mises en jachères)comprenant :

– 18 000 hectares de terre de coteaux

– 4870 hectares de plaines

– 3650 hectares de bas-fonds

– la perte des pâturages et des terres incultes ;

– la perte de plus de 2 millions d’arbres exploités (manguiers, anacardiers…) ;

– l’augmentation de la pression foncière sur les terres agricoles environnantes qui ne seront pas inondées.

– La réinstallation involontaire (PRI)des populations déplacées;

« Sont considérées comme personnes affectées par le projet (PAP) les personnes déplacées, les personnes dont les terres seront inondées et les populations qui accueilleront les déplacés ». La réinstallation involontaire (PRI) comptabilise ainsi 120 000 personnes affectées par le projet. (attention données 2010, augmentation de la démographie depuis 2010)

Référence :Projet d’aménagement du barrage de Fomi, étude d’impact environnemental et social (EIES), résumés de l’étude,rapport 12 149 RP 14 rev. A, aout 2010.

Le barrage de Fomi aura un impact négatif sur la santé des populations riveraines tout comme à Garafiri ou au Sénégal avec l’amplification des maladies d’origine hydrique : le paludisme devenu la première cause de morbidité et de mortalité principalement chez les enfants, l’ onchocercose, la bilharziose, au Mali dans la région du fleuve Niger, le choléra, la leishmaniose et le charbon qui, lui, toutefois, touche surtout le bétail.

Au Sénégal par exemple, avant la mise en exploitation de la centrale hydroélectrique de Manantali en 2001, les barrages avaient profondément modifiés les conditions environnementales de la vallée du fleuve Sénégal

Référence ;El Hadji Malick Ndiaye, « Le fleuve Sénégal et les barrages de l’OMVS :quels enseignements pour la mise en œuvre du NEPAD ? », VertigO – la revue électronique en sciences de l’environnement [En ligne], Volume 4 Numéro 3 | décembre 2003, mis en ligne le 01 décembre 2003, consulté le 23 juillet 2017. URL :http://vertigo.revues.org/3883 ; DOI : 10.4000/vertigo.3883

En effet, en régularisant le régime fluvial du Sénégal, la gestion des eaux du Fleuve par l’OMVS, constitue, à bien des égards une menace pour l’économie traditionnelle des populations. La plaine inondable, zone de prédilection des cultures de décrue, s’est rétrécie du fait de l’écrêtement des crues du fleuve à Bakel. La pêche fluviale ainsi que les activités pastorales sont également perturbées par les barrages ainsi que leur modèle de gestion .(Source Horowitz, 1991)

les grands barrages constituent  constituent selon l’ONG Les amis de la Terre « un choix calamiteux pour le climat et pour l’environnement, sont présentés par leurs promoteurs comme des projets « verts » de production d’énergie renouvelable. La réalité est tout autre. Leur construction crée d’immenses retenues d’eau qui submergent des terres cultivées ou des forêts, naturellement riches en matières organiques.

La décomposition de ces matières dans les réservoirs libère de grandes quantités de gaz à effet de serre (notamment du méthane et du protoxyde d’azote, respectivement 25 et 300 fois plus puissants que le CO2). Loin d’aider à lutter contre le changement climatique, la construction de grands barrages l’accélère.

Les grands barrages constituent aussi un bouleversement majeur du fonctionnement des cours d’eau et des écosystèmes. Ils participent à la disparition de nombreuses espèces animales et végétales. Pour beaucoup de communautés qui dépendent fortement de leur environnement pour vivre, les impacts sont très lourds : diminution des terres fertiles et des stocks de poisson, baisse de la qualité de l’eau ou encore déforestation.

De plus, les retenues d’eau constituent un terrain propice à l’apparition de maladies telles que la dengue et le paludisme. Ces effets cumulés réduisent considérablement les possibilités de subsistance des populations locales.

Conclusion :

Il faut rappeler que la maîtrise et l’exploitation rationnelle des ressources en eau font partie des principaux facteurs d’incitation à la coopération dans les bassins des fleuves Niger et Sénégal (Godana, 1985). Pour ce faire, les États riverains ont reconnu très tôt l’existence d’une communauté d’intérêts et de droit autour des ressources partagées et son corollaire, l’approche de gestion commune et intégrée de ces ressources en EAU.

Ces grands projets, mis en branle sans explications claires à la population concernée, entraînent leur lot de conséquences : déplacement des communautés vivant à proximité des barrages, recrudescence de maladies hydriques, prolifération de plantes envahissantes obstruant les axes hydrauliques et causant des dommages aux équipements d’irrigation, érosion des berges, dégradation des terres arables, réduction des pâturages, dégradation des ressources halieutiques, etc. (UNESCO, 2003 : 454-455).

Le problème de la Guinée est avant tout de fournir de l’électricité à sa population, en l’occurrence la Haute Guinée. Mais la fourniture d’électricité escompté est faible et ne couvrira pas les besoins de la population de la Haute Guinée, et les inconvénients pour la population sont plus nombreux que les bénéfices.

La production d’électricité escompté pour le barrage de Fomi est de 90 MW

Combien d’électricité la Guinée recevra t-elle effectivement compte tenu des apports de chacune des parties?

Ces apports se répartissent comme suit :

FAD (Fond Africain du Développement) : 92.3%

EEEAO (Société Générale du Système d’Echange d’Energie Electrique en Afrique de l’Ouest) : 5.6%

Gouvernement Malien : 1.5%

Gouvernement Guinéen : 0.5%

Comment se fera la répartition des bénéfices entre les pays concernés par le barrage de Fomi?

Concernant l’utilisation de l’eau, l’eau est considéré comme un bien économique, social, et environnemental, comment vont se faire le paiements de royalties ou encore des taxes perçues au titre de l’usage des eaux venant du barrage de Fomi?

La Guinée a besoin de s’électrifier, mais pas au détriment des populations, et de l’environnement. Je ne suis pas contre la construction de barrages hydroélectriques. Mais la construction du barrage de Fomi me pose un problème de conscience: le déplacement des populations, suppression importante de terres cultivables, effets néfastes sur la santé des populations….. pour une une faible production d’électricité.

Le sacrifice demandé au peuple Guinéen est beaucoup trop important en sachant que les populations concernées seront mal indemnisés et qu’elles ont tout à y perdre.

On sait aujourd’hui qu’il existe d’autres alternatives beaucoup moins coûteuses, respectueuse du bien-être et de la santé des populations, respectueuse de l’environnement permettant de satisfaire les besoins en énergie électrique. A titre d’exemples  :

Au Mali : un projet de centrale solaire de 50 MW à Kita et un autre projet de centrale solaire de 33 mégawatts à Ségou.

http://www.jeuneafrique.com/277029/economie/mali-projet-de-centrale-solaire-de-50-mw-a-kita/

-Scatec Solar construira une grande centrale solaire en Afrique de l’Ouest

La société norvégienne Scatec Solar a signé avec le Mali un accord pour la construction et l’exploitation d’une centrale photovoltaïque de 33 mégawatts à Ségou.

http://www.jeuneafrique.com/245395/economie/scatec-solar-construira-une-grande-centrale-solaire-en-afrique-de-louest/

Au Maroc :Le complexe solaire NOOR Ouarzazate est le premier méga-projet solaire lancé par Masen. D’une superficie de 3 000 hectares, il abritera une capacité totale de 580 MW à horizon 2018.

NOOR Ouarzazate I est la première réalisation du complexe de NOOR Ouarzazate. Ce projet, d’une capacité pouvant atteindre 160 MW, fait appel à la technologie thermo-solaire (CSP) à capteurs Cylindro-Paraboliques avec une capacité de stockage thermique prévue de 3 heures à pleine puissance. NOOR I est développée sur une surface d’environ 450 hectares. (alors que pour pour la construction de Fomi 90 MW on veut inonder 50 000 hectares de terres cultivables en Guinée)

Avec le lancement de ce complexe et de sa première phase NOORo I, le Maroc franchit une étape déterminante dans l’exploitation à grande échelle de ses ressources solaires. Noor 1, dont le coût est estimé à 600 millions d’euros pour 160 mégawatts sur 450 hectares, devrait injecter les premiers kilowattheures dans le réseau électrique marocain en août 2015 http://www.liberation.fr/terre/2014/04/24/ouarzazate-le-solaire-au-zenith_1003815

D’un coût estimé à 600 millions de dollars, le barrage de Fomi d’une capacité de 90 Mégawatts  (alors que NOOR 1 est estimé à 600 millions de d’Euros pour 160 MW , et 450 hectares )sera une réalité grâce à une conjugaison d’efforts de GMG à 75% d’une part, et à 25 % du Fonds de pension Sud-Africain et de la SNC la Vallin d’autre part. La durée d’exécution du projet est de 50 mois, un peu plus de 4 ans, fait-on noter. ( coût estimé en juillet 2012)

Pour conclure, si l’on continue à inonder toutes les terres cultivables, que nous restera t-il pour atteindre l’autosuffisance alimentaire ?

Par Marie Madelaine Dioubaté

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